La récolte du Chaga est-elle durable ?
Inonotus obliquus
Vous avez sûrement déjà vu du chaga perché en haut d’un arbre. Au premier abord, vous avez cru découvrir un morceau de charbon dans un endroit improbable. Le champignon est un pathogène omniprésent des bouleaux du nord-est de l’Amérique du Nord. Il s’enracine au cœur et, au bout d’un très long moment, brise l’arbre là où il a percé l’écorce. En moyenne, on le retrouve sur moins d’un arbre sur mille, les plus fragiles. Localement, il peut être abondant : selon Bruno Boulet, dans les zones les plus exposées aux rigueurs de l’hiver, plus de 20 % des tiges sont infectées.
En raison de ses propriétés médicinales, la demande augmente de manière exponentielle depuis plusieurs années. Mais cela pourrait-il entraîner un épuisement de la ressource ? Selon Paul Stamets, entrepreneur de la côte ouest qui privilégie la culture plutôt que la cueillette, oui : « Le chaga se raréfie rapidement. Sa capacité à se rétablir face aux assauts des cueilleurs commerciaux met en doute sa disponibilité et sa récupération ».
Faut-il s’inquiéter de la durabilité ? Pour répondre à cette question cruciale, il faut comprendre le fascinant cycle de vie de ce champignon.
La partie visible coupée de l’arbre vivant par le cueilleur est stérile. Après avoir été récoltée, elle repousse pour pouvoir être récoltée une nouvelle fois dans un délai de 3 à 10 ans. La fructification et la reproduction n’ont lieu que brièvement après la mort de son hôte. Au sol, elle dispersera ensuite ses spores avant d’être rapidement mangée par les insectes. Selon P. Stamets encore, « les plaies ouvertes de l’arbre sont des points d’infection pour les champignons pathogènes ». Rappelons que le chaga est lui-même un parasite agressif et qu’à notre connaissance, aucune étude n’établit de dommages liés à la récolte, ni à la reproduction, ni aux hôtes eux-mêmes.
Dans le cadre d'une étude américano-russe sur les produits forestiers non ligneux de Sibérie, David Pilz (Fungi Magazine vol.5 # 3, 2012) conclut : « l'abondance du chaga en Russie est telle que selon les estimations les plus pessimistes, la ressource ne sera jamais menacée ». En attendant de nouvelles études, la même conclusion pourrait s'appliquer à notre région.