Champignons nommés désir
Au fil du temps et des hommes, les champignons ont eu la réputation de stimuler l’ardeur sexuelle.
La truffe, par exemple, avait cette réputation chez les Grecs de l’Antiquité. L’excitation des truies attirées par ces protubérances sous les chênes devait stimuler l’imagination. L’attraction est liée à l’émission de phéromones proches de la testostérone des verrats. De nos jours, la fortune qu’il faut débourser pour une truffe du Périgord (Tuber melanosporum), autant que l’arôme musqué intense du champignon, peuvent favoriser le désir.
Le shiitake (Lentinula edodes) aurait un effet virilisant présumé. Cette affirmation est également renforcée par une forme évocatrice. On lui prête de nombreux bienfaits pour la santé autres que celui de potentialisateur sexuel et il possède également une saveur umami savoureuse. L’espèce n’est pas indigène en Amérique, mais, cultivée, on la trouve ici et dans la plupart des épiceries.
Le reishi (Ganoderma lucidum) est surnommé en Chine le champignon de la longévité. Principalement cultivé aujourd'hui, il pousse à l'état sauvage comme une main rouge qui émerge d'un tronc. Parmi ses innombrables effets toniques figure la guérison des troubles de l'érection. Le nôtre, le reishi de la pruche indigène (G. tsugae), mérite la même considération.
Selon une légende chinoise, les yaks, après avoir creusé la neige pour se nourrir de cordyceps (Ophiocordyceps sinensis), entrent en rut. Un berger, inspiré par ce spectacle, en mangea : les résultats furent si probants que l'empereur décida de garder la récolte pour lui seul. Comme on le sait, les érections nécessitent un afflux de sang au pénis : par un effet vasodilatateur, le champignon est censé faciliter le flux. Parmi les nombreuses espèces apparentées, le cordyceps militaire indigène mais insaisissable (C. militaris) aurait des propriétés similaires.
Selon une autre croyance chinoise, le champignon du bambou ou corne puante à crinoline (Phallus indusiatus) mène les femmes à l'orgasme. Son odeur fétide et son porto suggestif en font un stimulant recherché en Extrême-Orient. L’accusation s’appliquerait aussi aux espèces indigènes du même genre (Phallus) aux bouquets similaires : commune, rouge, réticulée et puante de Ravenel. Qui oserait l’essayer ?
Dans un registre plus agréable, le sotolon est le principal composé aromatique de notre lait au sucre brûlé (Lactarius helvus). Le composé, lui aussi typique du fenugrec, n’est pas dégradé par la digestion : il embaume le mangeur d’un parfum d’érable inimitable, le rendant d’autant plus désirable. Le partenaire n’est-il pas le plus puissant de tous les aphrodisiaques ?